Le Maroc face à son rôle de Leadership Africain Par M’Fadel El Halaissi d’Origine de Taounate

Casablanca-Par Mr M’Fadel El Halaissi*-« Taounate.net »/Le pays et les Nations se construisent sur les fondements de valeurs partagées (langue, histoire, religion, culture, etc.) et des projets communs. La profondeur de l’histoire du Royaume du Maroc nous enseigne que la solidité et l’ancrage des valeurs de la Nation marocaine se sont renforcées davantage tout au long des siècles et décennies de son histoire, ou du moins depuis que le Maroc dispose d’un Etat il y a bien plus de 12 siècles ! Cette profondeur historique en continuité confère à ce pays une singularité rarissime, et apporte à sa population un attachement indéfectible aux valeurs de la Nation.

L’exemple le plus édifiant est la récupération des provinces du Sud. Ne connaissant pas ce legs historique, certains détracteurs ont cru chercher maladroitement à diviser cette Nation à travers cette affaire du Sahara, ils ont abouti au résultat totalement inverse ! C’est devenu une affaire fédératrice, un projet commun, avec un attachement encore plus fort aux valeurs du Royaume et à ses institutions !

Cette force inestimable de convergence de toute une Nation autour des mêmes valeurs partagées est une grande richesse en soi, dépassant de très loin les valeurs quantitatives de la production du PIB.

C’est ce capital de convictions partagées de tout un peuple d’appartenir à un très lointain passé commun et d’agir à présent pour la construction d’un avenir prospère pour tous, qui confère à notre Nation la légitimité de Leadership dans son espace économique élargi.

Aussi, le Royaume dispose actuellement de tous les ingrédients nécessaires à assumer son devoir de Leadership économique dans sa région d’influence. Encore faut-il que la Nation en soit consciente, et qu’elle veuille bien assurer ce rôle !

L’accumulation de ces dits-ingrédients a été constituée à partir de deux composants interdépendants, l’un est historique et l’autre contemporain.

Pour l’histoire, la région économique de l’Afrique sub-saharienne a toujours été un axe prioritaire et stratégique pour toutes les dynasties qui se sont succédées au Maroc, dès que le pays a été maitrisé, sécurisé et pacifié.

  • Déjà, l’émirat de Sijilmassa (758-1055) fût une plaque tournante du commerce entre l’Afrique sub-saharienne, l’Afrique du nord et l’Europe. Les caravaniers transportant l’or venant du Royaume du Ghana passaient par Sijilmassa.
  • La dynastie des Almoravides (1060-1147) s’étendait depuis le fleuve du Tage en Andalousie jusqu’au-delà du fleuve du Sénégal et l’ensemble des territoires de l’Ouest saharien.
  • La dynastie Saadienne (1554-1659) a encore étendu les espaces d’influences marocains vers l’intérieur, GAO, Djenné et le fleuve du Niger et le Tchad. Le sultan Al Mansour Addahbi (1549-1603) imposa son autorité sur l’ensemble de ces territoires sub-saharien.
  • Enfin, le puissant 2ème sultan de la dynastie Alaouite, Moulay Ismail (1645-1727) a renforcé l’autorité de l’empire chérifien sur la Mauritanie et le fleuve Sénégal, à l’ouest, et à l’est sur Touat, Ain Saleh, Gao et Tombouctou.

L’apport contemporain fût d’une autre nature, et d’une autre ampleur.

En effet, sous l’impulsion de sa Majesté le Roi Mohamed VI, la vision de la coopération Sud-Sud a pris toute sa dimension historique et économique, transcendant ainsi les enjeux d’intérêts économiques en intégrant les dimensions culturelles, religieuses, environnementales, humaines et historiques.

La constitution de 2011 a inscrit dans son préambule, la coopération avec les pays du continent Africain une priorité de sa stratégie politique et économique. Les multiples visites royales effectuées ces dernières années dans plusieurs pays Africain traduisent indéniablement cette volonté de coopération teintée d’un nouveau concept de véritables rapports gagnant-gagnant. Ainsi, en quelques années seulement, les flux des grandeurs macro-économiques (échanges commerciaux et investissements) se sont triplés avec une dynamique de croissance soutenue. Ceci augure de belles perspectives et d’un avenir de prospérité commune pour les peuples de cette région.

Cependant, la transformation de ces fabuleux essais historiques et contemporains en rang de Leadership du Royaume du Maroc en Afrique occidentale, exige d’autres efforts et peut-être certaines prises de risques conjuguées à certains sacrifices dans des choix de nature géopolitiques.

 Parmi ces efforts à déployer encore par le Maroc pour asseoir son leadership dans la région, trois dimensions d’intégration des économies de la région sont nécessaires.

  • La dimension sécuritaire
  • La dimension économique
  • Et enfin, la dimension monétaire.

         L’intégration sécuritaire

L’un des problèmes majeurs entravant le développement économique et social de l’espace économique de l’Afrique de l’ouest réside dans l’émergence du fléau du terrorisme et de l’insécurité d’une manière générale. Celui-ci est fondamentalement incompatible et antinomique avec le développement économique.

En cherchant à circonscrire ce fléau qui gangrène le tissu économique de certains pays de la région, les dirigeants font appel à la rescousse aux forces étrangères pour cerner la problématique. Ce choix malheureux de désespoir ne fait qu’exacerber les foyers d’insécurité, et alimenter en arguments postcoloniaux, les discours belliqueux des instigateurs de ces tensions.

La problématique sécuritaire a été appréhendée depuis 1981 suite à la signature du protocole d’assistance en matière de défense des pays membres de la CEDEAO (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) créée depuis le 28.05.1975.

La conférence des chefs d’états de la CEDEAO de 1990 a décidé de mettre en place un organe de contrôle et d’application du cessez-le-feu, l’ECOMOG (Economic Community of West African States Cease-Fire monitoring Group).

Très vite, l’ECOMOG fut dépassé par la lourdeur des évènements de guerres civiles dans plusieurs pays (Guinée, Côte-D’ivoire, Libéria, Mali, etc.), et par son incapacité à contrôler les groupes armés qui se formaient dans plusieurs pays.

Par conséquent, la conception d’un organe de défense commune est indéniablement juste, encore faut-il lui donner de la substance et les moyens à la hauteur de la tâche.

Il est temps que l’Afrique s’émancipe de la tutelle postcoloniale, notamment pour sa propre sécurité et celle de ses citoyens, en érigeant une force commune de lutte contre le terrorisme et l’insécurité dans toute la région, appuyée par l’indispensable arsenal des systèmes de renseignements et d’intelligence de l’information.

Cette conception de l’auto-défense autonome, souveraine et convergente pour l’ensemble des pays de la région a plus de crédibilité, car plus légitime, et sera soutenue totalement par les citoyens et respectée par les belligérants.

Sur ce segment de sécurité, le Maroc a bien plus qu’un rôle à jouer dans le cadre de ce singulier concept de coopération Sud-Sud mis en œuvre par le royaume, et dont la compétence de ses forces de sécurité, jouit d’une reconnaissance mondiale.

A cet égard , le Royaume pourra contribuer de manière décisive dans la Formation, l’instruction, et , le transfert du savoir –faire en matière de renseignements et de l’intelligence de l’information pour la sécurité des Pays de la région .

         L’intégration économique

L’intégration des économies dans un espace économique donné est le facteur déterminant de la maximisation des effets multiplicateurs de la croissance économique.

En d’autres termes, plus un espace économique est intégré, plus la diffusion de la richesse en termes de surplus économique est vite répandue et à un rythme à cadence géométrique. En revanche, une économie désintégrée contribue plus au transfert de la valeur à l’extérieur de son espace qu’à en créer à l’intérieur !

L’histoire des civilisations humaines nous enseigne que les civilisations qui se sont ouvertes sur d’autres espaces, multiplient les opportunités de création de nouvelles richesses. En revanche, celles qui se recroquevillent sur elles-mêmes divisent ces opportunités et finissent par disparaitre laissant place à d’autres civilisations qui émergent.

Contrairement à l’espace maghrébin, les économies de l’Afrique de l’ouest sont relativement mieux intégrées. La création de la CEDEAO en 1975 a permis une fluidité dans la circulation des biens et des services en occultant la dimension politique.

L’UMA créée en 1989 avec une dominante caractéristique politique occultant les bases économiques, demeure toujours vide de substance. Karl Marx (1818-1883) avait raison de dire que l’infrastructure (base économique) détermine la superstructure (conception politique) !

Historiquement, la désintégration des économies de l’Afrique de l’ouest a débuté avec la période de la colonisation du 19ème siècle. Le feu vert donné suite à la conférence de Berlin en 1884 aux pays colonisateurs de mener une razzia sur le continent Africain, a déclenché un effroyable pillage et une aliénation irréversible des économies des pays colonisés avec un traçage des frontières au gré des intérêts des colonisateurs.

Aussi, les affres des périodes de la colonisation et de la décolonisation sont hélas, encore visibles actuellement dans la plupart des pays africains, rendant une intégration économique optimale, un vœu difficile à atteindre ; difficile certes, mais pas impossible !

Le Maroc a réussi en une décennie, 2009-2019, à renforcer cette intégration de façon remarquable. Au cours de cette période, les échanges commerciaux Marocco-Africain ont enregistré un taux de croissance annuelle moyen de 6,1%, passant de 8.3 milliards à 21.6 milliards de dhs.

Les investissements directs marocains se sont cru de 8.3% par an entre 2009-2019 (source : Ministère des Finances), font du Maroc un leader incontestable sur ce volet.

Cependant, ces indéniables efforts sont certes nécessaires, mais insuffisants pour doter le processus de l’intégration de facteurs irréversibles et dans la pérennité.

Il est évident que la globalisation de l’économie mondiale impose des flux interdépendants entre les pays, mais le degré de dépendance de l’extérieur d’un espace économique demeure un critère d’intégration. Les échanges commerciaux permettent le renforcement de l’intégration, mais les liens restent fragiles, donc substituables par le jeu de la compétitivité.

L’intégration se mesure par rapport à tout le segment des cycles, de la production des biens et des services, de leur distribution, et de leur consommation.

Bien souvent dans l’espace économique de l’Afrique de l’ouest, la matière première est exportée à l’état brut, et importée en produit fini transformée ailleurs !

C’est sur ce volet que l’économie marocaine peut activement participer dans la consolidation des acquis de la dernière décennie, et le développement du niveau d’intégration de l’espace économique de l’Afrique de l’ouest, la diversité de son tissu économique le peut aisément. Le Maroc a donc rendez-vous avec l’histoire, qu’il doit s’en acquitter pour assurer l’intégration économique de l’Afrique de l’ouest.

Des projets fédérateurs comme celui du gazoduc Nigéria-Maroc est un parfait exemple de cette intégration à forts enjeux économiques et géopolitiques, ainsi que le plan d’envergure engagé par l’OCP pour le développement de la filière des engrais et fertilisants, et l’implantation des Banques marocaines dans la région.

Le renforcement de cette intégration bien amorcée exige les efforts suivants :

  • Renforcement de la connectivité de tout l’espace économique de l’Afrique de l’ouest, les ports (Dakhla), les routes terrestres et maritimes, le chemin de fer et l’aérien, notamment par le fret, ainsi que les réseaux de télécommunications.
  • Encouragement de l’investissement public et privé marocain dans cet espace économique par des mesures d’accompagnement spécifiques à cette région, voire même une participation directe à travers une institution financière dédiée à encourager les investissements à forts potentiels d’intégration dans cet espace économique cible.
  • Assouplissement des règles administratives liées aux flux des capitaux, de biens et de services, et des hommes dans l’ensemble de ce grand espace économique, conjuguée à une harmonisation des avantages accordés à certains pays dans le cadre des accords bilatéraux.

         Intégration monétaire

La monnaie est l’un des vecteurs déterminants de toute intégration économique. Il ne peut y avoir une pérennité dans un processus d’intégration économique sans stabilité monétaire ; celle-ci passe nécessairement par une intégration monétaire.

Conscient de l’importance de la monnaie dans l’incarnation de la création et l’accumulation de la richesse, les pays d’Afrique de l’ouest (francophone) se sont dotés de l’Union Monétaire Ouest Africain (UMOA) dès le 12 mai 1962, et d’une Banque Centrale, BCEAO ! Soit à la veille de l’indépendance des huit pays signataires.

Depuis la création de cette institution monétaire, avec un Franc CFA sous protection de la France, une stabilité monétaire caractérisait cet espace économique, jusqu’à la date du 21.12.2019, quand le Président de la Côte-D’ivoire annonce le projet de remplacement du Franc CFA par une nouvelle monnaie, l’ECO, et la suspension de dépôt de 50% des réserves de change au Trésor français.

Cette décision raisonnait comme une révolution monétaire et une autre étape d’indépendance économique postcoloniale.

Parallèlement à cet évènement majeur, les autres pays membres de la CDEAO n’utilisant pas le Franc CFA (pays anglophones), décident de fonder la WAMZ, ou ZMAO en français (zone monétaire Ouest-Africaine) le 20 avril 2020, avec l’ECO comme monnaie unique des six pays signataires.

L’objectif à terme était de fusionner les deux institutions monétaires avec une seule monnaie pour l’ensemble des pays membres de la CEDEAO.

Cependant, ce projet emblématique de l’indépendance économique des pays de l’Afrique de l’ouest, créant l’union monétaire des pays membres de la CEDEAO, prévue pour 2020, n’a toujours pas vu le jour à cause de certaines divergences internes à propos de la monnaie unique, l’ECO, et des critères de convergence nécessaires à cette intégration monétaire.

Rappelons que les critères de convergence dans l’espace économique des pays membres de la CDEAO, sont notamment :

  • Le déficit budgétaire est limité à 3% du PIB ;
  • Le taux d’inflation à 10% ;
  • Le niveau d’endettement plafonné à 70% du PIB.

Enfin, la Banque Centrale, BCEAO est désormais libre de garder la totalité des réserves en devises depuis le 20.05.2020, date à laquelle la France a entériné la décision de remplacement du Franc CFA.

Face à cette exceptionnelle effervescence animant le cœur des institutions économiques, dont dépendra l’avenir géopolitique et socioéconomique de tout un espace économique de plus de 350 millions d’habitants, le Royaume du Maroc ne peut pas se retrancher derrière une position de spectateur ! il doit faire partie de la mêlée, voire même, en devenir l’acteur principal.

Ceci est d’autant plus nécessaire, que des entraves se multiplient à l’intégration de l’économie marocaine à l’espace de l’union européenne, et que l’espace du Maghreb est inerte, pris en otage par le voisin de l’est.

C’est ainsi que le Maroc a demandé son adhésion à la CEDEAO en date du 24 février 2017, cette demande, toute légitime, vient couronner une décennie d’efforts à tous les niveaux fournis par le Royaume à l’adresse du continent Africain, notamment en termes d’investissements directs dont les deux tiers sont effectués dans les pays de l’Afrique de l’ouest.

Néanmoins, certaines difficultés réelles (harmonisation des règlementations et accords bilatéraux, monnaie unique, géopolitique) et certaines craintes d’une domination économique marocaine, sont à aplanir au préalable.

Cependant, dans la perspective d’être un acteur majeur de cette intégration monétaire, le Maroc s’exposera à des choix dans sa politique monétaire quant à la position de sa propre monnaie vis-à-vis de la monnaie unique des pays de l’Afrique de l’ouest, l’ECO.

Le dirham pourra-t’il devenir l’une des monnaies de référence de l’ECO ?

Si telle est son ambition, il est nécessaire qu’il devienne une devise totalement convertible, en mesurant le coût probable et les avantages certains que ce choix stratégique recèle.

Aspirer à un leadership d’un espace économique de cette dimension impose inévitablement des choix stratégiques et des prises de risques bien mesurés.

Le Maroc a tant à gagner en osant ce grand pari historique.

°Directeur Général Délégué BANK OF AFRICA- Natif de Taounate

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